P'tit grain de Cosmos

J'aime l'eau. Je suis poisson, ça tombe bien.

J'aime l'eau car je vois en sa dynamique le même schéma que celui de mes émotions au fil du temps.

Rivière à Naranag - Cachemire
Rivière à Naranag - Cachemire

Longtemps j'ai été un fleuve. Mes émotions m’affleuraient, rapidement, en passant toutes à la suite des autres voire en même temps, en grande quantité, ce qui les rendait difficiles à saisir, ou ne serait-ce qu'à voir. Le courant qui m'animait alors me contenait. Je pouvais vivre à son rythme car je m'y étais habitué.

Toutefois je pressentais que je n'étais pas prêt à me verser dans l'océan, et devais donc chercher le seul moyen de m'y préparer. Aller dans le seule direction qui s'offrait logiquement à moi : à contre-courant. Ce fleuve je l'ai donc remonté. Première réaction : panique. Pour la première fois je voyais le contenu. Ces choses-là, d'abord, je ne les ai pas comprises. Puis bientôt je pu les apprivoiser. Je pu y voir plus clair dans le tumulte de mes eaux troubles.

Peu-à-peu des issues se dessinaient. Ces issues n'étaient autres que des rivières, qui venaient là m'alimenter.

Je suis devenu l'une d'elle, d'abord, puis j'en ai vu d'autres.

La rivière contient moins d'eau. Elle montre donc malgré elle ou à son avantage tout ce qu'elle a en elle. Le courant y est parfois doux, voire quasi-nul, parfois intense, voire tumultueux.

L'eau y est limpide, ou boueuse, en tout cas bien plus proche de sa nature originelle qu'elle ne l'était dans le fleuve. En devenant rivière je me découvre. Je me surprends, j'apprends à m'aimer, et que je peux me détester. J'apprends à être heureux, bienveillant, calme, généreux, beau et aimant, puis je découvre que ma vraie nature fait fi de tout cela. Je ne peux que suivre mon lit, tracé par la nature pour la nature, par le temps pour un certain temps, celui qui donne à l'eau ses trajectoires.

Érosion par l'eau qui creuse la Terre là où la Terre se creuse. Par définition le chaos est ce qui la créé.

La rivière est longue. Elle me prend du temps, de l'énergie aussi. Je dois remonter des cascades, me heurte à des rochers. Me fraye des chemins dans les glaces de l'hiver. Sur mon parcours je croise un nombre inouï de poissons. Eux aussi semblent concentrer leurs efforts à atteindre une destination dont eux-seuls connaissent le secret. Mais ça je ne le vois que dans mes zones calmes. Là ou le courant s'arrête et laisse place à une grande réserve d'eau limpide et fraîche où il fait bon se baigner.

Autrement, dans l'agitation permanente, je les aperçois juste.

Alors, magnifique créatures qu'elles sont, elles deviennent dans mon esprit de simples animaux qui, d'une façon ou d'une autre, encombrent mon chemin.

Pourtant je retombe toujours sur une grande étendue d'eau claire où je peux me reposer, et à chaque fois, là, je vois des nouveaux poissons ; je pense alors à ceux que j'ai croisés, et je vois uniquement de magnifiques créatures.

Quelque-part, remonter le chemin qu'ils ont descendu m'aide à mieux les percevoir. Mieux les connaitre et mieux me connaitre. Je peux les comprendre, voir leur beauté, et les pourquoi de leurs traits.

J'ai probablement changé maintes fois de rivières. Parfois je l'ai su. J'ai soudain senti que mon environnement changeait, et avec lui tout ce que je traversais revêtait une forme différente, nouvelle.

Maintenant j'en suis là. J'ai parcouru tout ça. Une grande partie, et rien en même temps.

Ce qu'il me reste... Le seul moyen de savoir est d'aller à la source.

La rivière d'aujourd'hui se rapproche du ruisseau.

L'écoulement se fait fluide, qui plus est régulier.

L'énergie concentrée, particules solidaires.

Si solidaires que leurs consciences, reliées ne font qu'une.

Ainsi l'eau sait où elle va.

Avec la Terre, elle apprend, à se frayer un chemin.

Par les cailloux elle devine les rochers.

En haut, dans le froid, elle descend et sait qu'elle devra remonter.

À la source, pure, elle est juste vie.

Elle est aussi conscience.

Celle-là même qui s'entretient, circule, se partage, se dégrade, se renouvelle.

L'eau d'en-haut

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