Road Trip - Volume I

Premières étapes & bilan

Traverser le Vietnam en moto. La plus belle idée que j’ai eue. Ou la plus absurde ? Au choix. Cela dépend des jours, et avec eux de l’état de la moto et de mon humeur. Le premier de ces deux facteurs influence clairement le deuxième, et j’essaye de faire en sorte que cela reste unilatéral.

Autrement dit : La moto me rend parfois fou, notamment quand seulement quelques kilomètres séparent mon point de départ et la première panne de la journée, puis la première de la deuxième, et j’essaye de ne pas l’abîmer encore plus sous le joug de la colère. Je me suis clairement vu en train de la balancer par terre à maintes reprises, dans ma tête, et la route a été victime de plusieurs insultes que je criais à tue-tête pour évacuer cette folle colère. Cette envie de balancer des choses a ensuite duré toute la journée, mon appareil photo et mon portable faisant d’excellentes victimes potentielles. Là encore, j’ai préféré garder une colère froide et intérieure plutôt que de commettre ces actes que j’aurais de suite regrettés.

 Je pourrais développer sur ce sentiment qui m’a envahi toute la journée et qui se remplissait à chaque minute, à chaque regard ou interaction avec chaque personne croisée, des heures durant, mais je vais plutôt m’orienter sur le récit d’un road-trip, un nouveau voyage dans mon voyage.

 Quand j’étais petit, je disais tout le temps que mon rêve était de faire le tour du monde en moto. Ce rêve s’est estompé avec le temps, mais l’idée concrète d’acheter une moto en Asie et de parcourir un grand nombre de kilomètres avec était dans un coin de ma tête depuis mon départ...

Finalement, après plusieurs mois à penser à l’idée sans chercher à la réaliser, j’ai pu la mettre en œuvre très facilement.

 Je ne sais pas pour la moyenne des backpackers, mais il s’est passé environ une demi-heure entre le moment où j’ai décidé d’acheter une moto, et le moment où cette Honda Win made in China était à moi.

La facilité avec laquelle j'ai achetée cette moto était déconcertante, je raconte cet épisode dans mon article précédent.

Avec un départ aussi facile, je m’attendais bien-sûr à avoir quelques réparations à faire en chemin, mais n’avais pas imaginé à quel point les pannes à répétition pouvaient rendre fou !

Depuis le deux février, soit en 12 jours, voici les réparations que j’ai du faire et leur prix en Dong vietnamien (VND). [1 € = 24 000 VND]

  • Première visite : Première vidange, réparation du feu avant (on enlève le scotch mal mis, on met une vis en dessous et on remet du scotch, proprement), alignement de la roue arrière. 100 000 VND (de mémoire ; je ne suis sûr d’aucun prix mais ceux que j’indique sont plutôt proches de la réalité) Et la petite surprise qu’on découvre sur place : l’axe de la roue arrière qui n’était pas vissé à la suspension, juste emboîté. Bon j’ai quand-même fait deux cent soixante kilomètres sans le savoir et sans problème. Lucky me ! Pour ça ils m’ont indiqué un autre mécano qui était à une cinquantaine de mètres dans la même rue, et qui m’a offert la réparation et un litre d’essence.
  • Deuxième visite : Deuxième vidange, et démontage du pot d’échappement dans lequel une pièce cliquetait. 100 000 VND
  • Troisième visite : La batterie, et l’allumage. Je ne pouvais plus démarrer. 200 000 VND
  • Quatrième visite, vingt minutes et cinq kilomètres après la troisième : La chaîne, réparée à la main, au marteau et à l’enclume de fortune, après s’être décrochée fourbement au démarrage d’un feu, entouré d’une flopée de scooters. 100 000 VND
  • Cinquième visite : Quelques ajustements dans la transmission, nouveau carburateur, troisième vidange, réglages de l’embrayage. Je n’ai pas cherché à savoir si le carburateur était vraiment indispensable, je pense que oui vu les difficultés de la moto à aller au bout d’une accélération. Celle-ci était plus onéreuse : 700 000 VND, soit trente euros, mais ils m’ont aussi huilé la chaîne, et peut-être fait d’autres vérifications. En tout cas ce matin j’avais l’impression de conduire une nouvelle moto. Pour l’instant tout va bien !

De là à là puis d'ici à là-bas

1 - Dalat – Nha Trang

En réalité, Dalat – Nha Trang, Nha Trang – Dalat puis à nouveau Dalat – Nha Trang. Le premier trajet était pour découvrir la route qui avait l’air superbe, le retour à Dalat était pour être dans un endroit sympa pendant quatre jours en attendant que mon visa soit étendu de quinze jours, enfin retour à Nha Trang uniquement pour récupérer mon passeport et continuer le trajet vers le nord.

Non, pardon, le sud. Enfin, non,… Le nord !

Mon plan était d’explorer le sud du pays, en-dessous d’Ho Chi Minh, pendant quinze jours, puis voler d’Ho Chi Minh à Siem Raep pour visiter Angkor Vat et d’autres coins du Cambodge, puis revenir avec cette fois un visa d’un mois pour remonter tranquillement tout le Vietnam avec ma moto, que j’aurais laissé entre temps dans un parking sécurisé quelque-part. Il m’a fallu trente kilomètres depuis Nha Trang pour simplifier drastiquement ce plan. J’ai juste fait demi-tour et ai décidé d’entamer tout de suite la montée vers le nord, pour plusieurs raisons :

  • Je m’épargnais ainsi deux vols, ce qui représente un peu plus de deux cent euros et deux moments désagréables : celui entre l’entrée dans l’aéroport et le décollage de l’avion ; je hais de plus en plus les aéroports.
  • Si un mois est en effet trop court pour visiter le Vietnam, j’ai toute ma vie pour y retourner.
  • Laisser la moto un mois à Ho Chi Minh était une source de stress en plus. Outre les recherches interminables que j’aurais eues à réaliser pour trouver un lieu sécurisé où la laisser, j’aurais toujours un doute sur le fait de la retrouver, et en bon état.- Moins je fais de route, plus je m’assure d’arriver à mes fins et de ne pas cracher trop de dongs pour son entretien.
  • Dernière raison : je suis impatient.

2 - Nha Trang Tuy Hoa

De Nha Trang je n’ai aucune idée de la prochaine destination, et il déjà quinze heures quand je quitte la ville après l’avoir entièrement retraversée. J’arrive à proximité d’une ville vers 17:00 et il commence à faire sombre. Fatigué, j’y fais halte pour passer la nuit. Tuy Hoa ; pas grand-chose à voir, pas de touristes, mais je trouve un excellent Com Chay, Com signifiant ‘food’ et Chay pour ‘végétarien’, et je dors dans un hôtel un peu taudis mais où j’ai ma propre chambre. Mine de rien quand les nuits se succèdent à chaque fois dans un dortoir différent avec plein de gens, c’est agréable.

3 - Tuy Hoa Kon Tum

Je suis réveillé à 4:30, et je me sens plutôt frais après un appel passé à L, en France. Quand je décide de partir, il est 5:30, je n’ai toujours pas pu me rendormir et j’ai envie de profiter du calme du matin pour la première partie du trajet. Je ne sais pas trop comment, je ne pars finalement qu’à 6:30, et je quitte la ville vers 7:00 après une pause Chay Banh Mi. Cette fois je sais quelle route je veux prendre, mais ne sais pas jusqu’à où. Je me laisse le choix entre Pleiku, deux cent vingt-deux kilomètres, et Kon Tum, deux cent soixante-neuf. Cet itinéraire est bien plus varié que les précédents, j’apprends à m’adapter très rapidement aux changements de types de route et je découvre le hauts plateaux du centre.

J’y trouve le meilleur jus de canne à sucre que je n’ai jamais bu. Frais, mousseux et acidulé. Je reprendrais volontiers cette route, juste pour m’arrêter au même endroit, profiter de cette sublime vue et siroter ce délicieux jus sous un soleil radieux. Fin de la parenthèse culinaire.

Le trajet est sans encombre, j’arrive vers quinze heures à Kon Tum, et entame la visite de la ville à pieds après une pause à mon hôtel. La seule attraction mentionnée sur les forums est cette église en bois, assez jolie en somme.

4 - Kon Tum Hoi An

Hoi An est ma prochaine destination. C’est pour l’instant la plus longue étape de mon road-trip ; trois cent quatre kilomètres sur papier, mais en réalité trois cent cinquante car j’ai pris une route totalement différente de celle annoncée par mon application ‘Maps me’. Ceci était bien-sûr un choix délibéré de ma part et non un accident. J’ai d’ailleurs énormément apprécié les petites routes, que dis-je, chemins, troués, glissants, étroits et interminables, sur lesquels je me suis VOLONTAIREMENT retrouvé. J’ai tout autant apprécié le formidable rapport temps/distance que ce choix délibéré m’a permis de réaliser : 350 kilomètres en neuf heures. Bon je me suis planté quoi !

Dès le départ survient la première difficulté, sortir de Kon Tum. Je met une demi heure à y arriver alors que cela semblait évident sur le plan. Cela provoque une légère montée de mon irritation et m’incite à rechercher mon calme intérieur, que je trouve, heureusement, vu la distance qu’il me reste à parcourir et la technicité requise pour les routes à venir. Les premiers kilomètres me dévoilent un autoroute au bitume fraîchement coulé, qui se transforme bien vite en chantier de terre battue, puis une route bien entretenue. La suite est une alternance sans fin de tous les types de voies routières imaginables. La pluie me suit avec son grand ami le vent. Pendant une pause pipi je fais même une petite danse et de la boxe pour me réchauffer, et qui sait, peut-être arrêter la pluie… Bon, non ça n’a pas marché.

Je découvre ensuite, ou avant, je ne sais plus, la route fût quelque peu épuisante, ce qui est peut-être une des plus belles routes du Vietnam, un panorama époustouflant pendant presque une heure de descente douce avec quelques belles courbes, puis à un croisement, juste un petit croisement de rien du tout, je vais à gauche alors que j’aurais pu aller à droite. Ou peut-être était-ce à un autre croisement et pas à celui-là. En tout cas il y a eu une faille quelque-part dans la matrice, et j’ai fait environ quarante kilomètres à la boussole entre routes de montagnes à 12 %, étroites, bien usées, parsemées de cailloux, et villages dont les rues sont en terre battue, en essayant d’estimer au mieux mon point d’arrivée sur la voie rapide, dernière étape de quatre-vingt-quinze kilomètres pour arriver à Hoi An. J’y arrive finalement et me met en pilote auto pour cette partie du trajet. Il fait nuit, il pleut moins, et c’est tout droit. La route est certes bien moins intéressante mais c’est un moment de répit bien mérité, avec juste quelques longs camions à doubler. J’arriverai finalement vers 20:00.

Outre une visite de la vieille ville à l’architecture traditionnelle magnifiquement préservée, Hoi An est entourée de champs et de rizières où l’on peut s’égarer et se frayer un chemin au milieu de cette belle nature entre ordre et désordre.

Puis je pré-clos cet article avec le cimetière des martyrs (Nghĩa Trang Liệt Sĩ Hội An), au nord de ces champs, à l’ouest de la ville. J’ai trouvé le lieu très inspirant, et j'étais littéralement le seul dans ce dédale de tombes, ce qui m'a permis de vraiment m'imprégner du lieu.

Conduire au Vietnam

Leçon & Bilan n°1

  • Ne louer une moto ou un scoot que si l'on se sent déjà à l'aise, surtout pas si l'on n'a jamais conduit!
    J'ai vu un couple de Canadiens revenir à l'hôtel pas plus d'une heure après leur départ avec des belles contusions un peu partout, il a simplement perdu le contrôle du scooter sur une route accidentée et ils sont tous les deux tombés assez violemment sur le bitume. Si les blessures sont graves et nécessitent des soins hospitaliers, les hôpitaux sont très limites au Vietnam, puis on ne va pas là-bas pour ça ! Ça serait dommage.
  • Être concentré sur sa conduite à chaque moment. 'Sur sa conduite' cela veut dire :
    • Son propre corps, et par conséquent les mains, qui font la plus grosse partie du travail, et les pieds, surtout sur une manuelle.
    • L'état de la route.
    • Ce qui se trouve dessus, et à chacun de ses côtés, à proximité et au loin.
    • L'état de la route.
    • Ce qui bouge ou risque de se mettre en mouvement : vélo, scooter, vache, chien, camion, voiture, personne adulte, enfant, lutin... à proximité et au loin.
    • Les codes locaux, simplement par l'observation des actions de chacun.
    • Une dernière fois pour être sûr que ce point sera acquis : L'état de la route !
  • Oublier le code de la route et le remplacer par le bon sens et l'observation de la dynamique du moment présent. La seule règle est ce qui se passe, maintenant. D'où l'importance d'être concentré à chaque moment. La concentration permet une bonne conscience de soi dans son environnement, donc de sa position et de celle de chaque véhicule et autres corps mouvant situés à proximité. Une seconde sans concentration va forcément amener une surprise. Parfois mauvaise.
  • Pour finir, arrêter de penser que c'est particulièrement dangereux, que l'on risque de mourir à tout moment, et que c'est une folle idée de conduire au Vietnam. C'est le cas, comme c'est le cas partout. Propulser son corps à plus de 60 kilomètre heures sur un véhicule est dangereux pour un humain, et nous positionne comme un danger pour les autres. C'est une réalité, c'est une évidence, et c'est valable sur chaque mètre carré de notre planète.
    Au début tout est nouveau et on est surpris par pas mal de choses, puis l'apprentissage se fait. Personnellement je me sens drôlement plus à l'aise ici que sur les routes françaises pour la simple et bonne raison que je garde mon focus sur tout ce qui m'entoure et que je sais exactement ce que je risque à tout moment, au lieu de le garder sur mon compteur et de craindre 'l'excès'. De toutes façons ici la vitesse est limitée par le réel danger. Chacun roule à son rythme, et les chauffards se font rares contrairement à ce que l'on pourrait croire.

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Commentaires: 2
  • #1

    Anne (samedi, 18 février 2017 19:07)

    Toujours contente de suivre ton parcours, petit Pierrot :) Que d'aventures, ce road trip vietnamien ! Bonne suite et plein de bisous, il faut que je t'appelle un de ces jours !

  • #2

    Mum'in (dimanche, 19 février 2017 22:07)

    Merci Pierre pour ce récit d'aventures ! Je t'embrasse,