Au fait

Le désir de partager mon expérience de voyage est toujours aussi fort, mais l’exécution de cette action me demande beaucoup plus de présence qu’avant. Il m’est de plus en plus difficile de blogguer, tout simplement parce que je ne peux pas me dévoiler totalement, quoi que cela serait un très bon sujet d’étude pour des psychanalystes et autres chercheurs, et en même temps je n’arrive pas à raconter simplement les choses.

Je ne sais plus trop quoi vous raconter, mes aventures sont décousues, parce qu’une partie de moi joue avec l’autre. Mes peurs jouent à ‘chat’ avec mes désirs. Et les désirs, pour ne pas se faire rattraper par les peurs, pour se préserver au mieux, ne cessent de se réfugier.

 

Mes pronostics sont par ailleurs plutôt positifs, les peurs commencent à s’épuiser favorisant une libre circulation des désirs.

 

Je pense qu’on a tous nos doutes, nos pensées envahissantes, tel un fluide gluant, beurk’, remplissant notre cerveau et limitant l’éclosion des idées et des pensées créatrices. Quand ceux-ci concernent des petites choses, une infinité d’entre elles, tous les jours, je pense que le moment est bien choisi pour travailler dessus. Laisser un tel phénomène se répandre et remettre à plus tard sa prise en charge, est équivalent à laisser une colonie de fourmis envahir sa cuisine et continuer à déposer de la nourriture sur leur chemin. La colonie s’agrandit, continue à se nourrir et à pourrir la cuisine !

Comme je l’ai évoqué dans mon dernier article "Buddha, Dhamma, Senga", une de mes dernières étapes de voyage était un séjour dans un temple bouddhiste au nord de Paï en Thaïlande. La raison de ma venue là-bas est plutôt évidente après toute cette introduction : Me ressourcer, faire un nettoyage de cerveau, car celui-ci s’était mis en lecture seule, entraînant mon corps avec lui, et il m’était de plus en plus difficile d’être le libre-arbitre de moi-même ; cela est effrayant. 

Vingt jours de répit de gagnés ! Avec une certaine dose de sentiments très forts faisant leur apparition et essayant de me remettre hors de moi. La méditation n’est pas facile. Rester assis en tailleur et ressentir des tensions dans les jambes ou dans le dos n’est que la partie apparente de l’iceberg. Le système nerveux est mis à rude épreuve, et ce sont des sentiments de diverses sortes et à intensité variable qui peuvent surgir lorsque l’on s’y attend le moins. Le meilleur moyen de faire face est de continuer à méditer. C’est un décrassage, qui ne se termine jamais.

Ces photos ne sont pas de moi et m'ont été gracieusement données par le photographe présent au monastère lors de mon séjour.


 

Cette parenthèse étant terminée, voyons voir ce que j’ai fait en sortant du monastère :

Ha oui ! Du stop ! C’est incroyable comme la chance était avec nous ce jour là ! Enfin, ce phénomène naturellement présent chez une personne pleine d’énergie positive, de détermination et de foi. Phénomène qui agit peut-être mieux avec deux personnes regroupant les conditions susdites. Avec un comparse de méditation, Philippe, du Brésil, nous nous sommes rendus de Pai, ou le bus nous avait déposé, à Chiang Mai, soit cent cinquante kilomètres de routes de montagnes, en deux heures. Il faut dire que le conducteur du pick-up qui nous a transporté dans sa remorque m’a fait craindre la mort plusieurs fois. Les pneus crissent et nos corps sont propulsés d’un côté puis de l’autre de la remorque. Au début on se crispe parce qu’on voit le danger, qui est bien réel avec une telle conduite, puis on se dit que ce n’est pas en se concentrant sur ledit danger que celui-ci diminuera, et on se détend. Bien-sûr il faut se tenir fermement pour pouvoir apprécier le voyage sans se cogner partout, mais tout ce qui ne sert pas à se tenir peut alors se détendre. L’état unique dans lequel je suis ensuite, et pour la plus grande partie du trajet, me donne l’impression d’être le héros de je ne sais quelle aventure, invulnérable.

 

 

Chiang-Mai m’aura vu peu de temps pour ce deuxième passage entre ses murs, car je suis allé directement à la gare routière prendre un bus de nuit pour Bangkok, où m’attendait mon vol pour Ho Chi Minh, Vietnam, à neuf heures du matin. Trajet de huit heures, ce qui ne représente plus rien pour moi maintenant. Sauf quand la télé du bus nous montre une émission dont chaque protagoniste dépasse largement Cauet, Hanouna, ou autre âme perdue de notre paysage médiatique français par la stupidité dont ils font preuve à l’écran. Révoltant et épuisant par la continuité de sons pathétiques rajoutés sur chacune des actions de ces personnes. Bien-sûr le volume est tellement fort que le plus sourd des passagers du bus doit pouvoir se sentir sur le plateau de l’émission elle-même. Ignorer devient une tâche laborieuse, mais je suis arrivé à quelque chose proche de la quiétude malgré ce vacarme. Big up méditation !

 

À l’aéroport on me dit qu’il me faut une lettre d’invitation pour un visa de plus de quinze jours. Je le sais et je ne l’ai pas fait. Ce qui est tout à fait normal. J’essaye pendant environ une heure, dans une terrible bataille mettant en jeu mon portable, la connexion internet douteuse sécurisée par identifiants de l’aéroport, les sites malhonnêtes de faux visas, les vrais sites, mal conçus, et ma propre personne, en vain.

 

Je finis par abdiquer. Cela ne marche pas, tout simplement. J’improviserai.

 

Le vol est court, deux heures, et cette fois j’ai droit à des pistes de ski hors norme qui se dévoilent en dessous de moi, puis à une immense banquise. Je ne me lasserai jamais de regarder les nuages !

Banquise de nuages
Banquise de nuages

Arrivé à Ho Chi Minh, je joue l’innocent en me dirigeant vers le guichet des visas à l’arrivée. Il n’y a aucun moyen d’avoir plus de quinze jours. C’est ça ou rien. Fichtre et boule de neige ! Je l’savais mais j’suis bien plus déçu maintenant que je l’sais encore plus.

 

Avec mes quinze pauvres jours, je décide de faire une visite éclair dans la plus grande ville du Vietnam.

 

Le temps de visiter son marché, d’y acheter du café et un filtre, d’arpenter plein de rues chargé comme une mule que je suis, de prendre trois photos, de boire deux délicieux cafés dans un café au personnel adorable, d’offrir mon paquet presque plein de clopes à un client assis à côté de moi,puis de me faire payer ces cafés par cette personne pendant ma mission toilettes, (la répétition du mot café vise à vous faire comprendre que ce breuvage revêt une importance toute particulière au Vietnam, c’est un peu comme si j’étais sous perfusion continue. Ben ouep, la caféine, bla bla, c’est acidifiant en plus, mais là, je suis au Vietnam. Donc ça ne compte pas. Na) me confirmant ainsi que le karma, c’est pas du bla-bla, de retourner sur mes pas, de manger une noodle-soup dans un boui-boui où le goût rattrape l’absence, cette fois-ci, d’amabilité, puis de m’éloigner du centre avec l’espoir d’être pris EN STOP…

 

QUE NENNI ! Je connaissais les routes sur lesquelles je le faisais en Thaïlande, et c’est peut-être la raison pour laquelle j’étais si confiant. Ici, à la sortie d’Ho Chi Minh au Vietnam, cela me paraissait perdu d’avance mais j’essayai tout de même, sans conviction. Au bout d’une heure d’acharnement, je vois un bus qui s’arrête, plein de touristes, vietnamiens pour la plupart. C’est le début des vacances et tout le monde se rend à Dalat, destination phare dans cette partie du pays. Il reste des places, et c’est douze euros. J’embarque !

 

J’arrive à Dalat vers vingt-trois heures. Nous passons du bus à un mini-bus qui peut me déposer où je le souhaite dans la ville. Je dis ‘I don’t know, cheap guest-house’, et j’arrive devant une cheap guest-house. Miracle. Après une bonne nuit de sommeil, je décide de changer de guest-house en me rapprochant du centre. Je marche pas loin de deux heures pour me retrouver à cinq cent mètres à vol d’oiseau de là où j’étais au départ. Ce que je cherchais n’existe plus, ou est beaucoup plus cher que les tarifs indiqués en ligne, et celle dans laquelle j’arrive est plutôt agitée, voire bruyante, mais je peux cuisiner, et le prix est le même. En bonus, le personnel de l’hôtel offre un dîner de famille à chaque guest, en théorie pour son premier soir. En réalité, le dîner est quand ils peuvent le faire, moi c’était pour mon troisième soir, et ce n’est pas vraiment un dîner de famille puisqu’ils nous servent et ne dînent pas avec nous. Tout était délicieux bien-sûr mais ce serait tellement plus riche si le personnel se mêlait à nous et si chacun participait au repas à sa manière !

 

Vues tardives de Dalat

 

Je reste quatre jours à Dalat, ce qui laisse largement assez de temps pour découvrir la ville, ses différents cafés, restaus et stands de rue, avec en prime un téléphérique, deux lacs, un sommet de deux mille cent soixante-sept mètres, un bouchon à côté d’un cimetière où des familles vont honorer leurs morts pendant le premier jour de l’an chinois, et une autre rue en folie avec les préparatifs du réveillon de nouvel an.

 

 

Au bout du troisième jour, pris d’une envie de partir, je demande le tarif pour aller à Hoi An en bus. Le prix est tellement élevé que je décide d’acheter une moto, comme ça, dans la journée. Il m’a suffit de demander à un gars qui buvait son café avec une grosse moto à côté de lui s’il connaissait quelqu’un à qui je pouvais en acheter une, pour qu’il m’amène à Smiley Backpacker Hotel, à deux pas de ma guest-house, où deux Honda Win étaient à vendre. Deux copies chinoises à vrai-dire. Mais sur le coup je ne pensais plus du tout à l’existence de ces copies chinoises, et il était évident, vu la facilité avec laquelle j’avais trouvé, qu’une de ces deux motos étaient pour moi !

 

Manque de fiabilité, incendies, accidents mortels, pannes sur pannes. Voilà ce que j’ai trouvé en faisant des recherches sur ce modèle après coup. En réalité, énormément de personnes se trimbalent sur cette carlingue et les vrais problèmes arrivent rarement. Si redoubler de vigilance est de toutes façons la règle pour tout motard, ici au Vietnam, j’ai bien compris que ce n’est pas assez, je redécuple, c’est plus adapté.

 

 

 

Pour mon premier trajet, Dalat-Nha Trang, je me retrouve sous la pluie, avec pas mal de brouillard, en montagne. Au départ ça me refroidit un peu, puis ces conditions deviennent une excellente source de motivation et je parcours la route sans encombres. J’ai froid, je suis trempé, et une tension commence à envahir mon bassin, mais à chaque fois que l’anxiété commence à s’accrocher à ces phénomènes, je la remplace par la joie et la fierté, je me tiens droit et reste bien présent à ma conduite. L’expérience s’avère très positive.

 


 

Nha Trang me surprend par la quantité de Russes qui s’y trouvent et par ses énormes resorts. C’est une cité balnéaire et il est vraiment agréable de se promener le long de la plage, sous une pluie battante, (oui oui encore!) et de prendre quelques photos. Les rues regorgent de cafés en tout genre, et de boutiques un peu luxe vendant des produits locaux. Donc du café. En s’éloignant un tout petit peu des rues principales, on se retrouve rapidement dans des parties de la ville plus calmes et moins fréquentées par les touristes, qui revêt bien plus de charme selon moi.

 

 

Je profite de ma présence en ville pour faire une demande de prolongement de visa dans une agence, puis, ayant 4 jours à patienter avant de pouvoir récupérer mon passeport, je décide de retourner à Dalat. Après tout, la route est magnifique, pourquoi se priver de la redécouvrir avec une météo plus clémente ?

 

Malgré les 5 jours déjà passés ici, je sens qu’un second séjour serait bénéfique. La réservation de ma guest-house sur Hostelworld va également dans ce sens ; celle que je trouve est une des moins chères, quatre dollars (les prix les plus bas étant à trois dollars), elle est ouverte seulement depuis le 28 décembre 2016 et ne comporte qu’un seul avis, positif en tout point.

En effet, Long accueille réellement ses clients et met tout en œuvre pour transformer un simple séjour en une belle expérience. Je me retrouve dans un dortoir avec deux couples, et il se trouve que le courant passe très bien, très facilement, entre tout le monde. Cette impression d’être simplement à la maison, avec des amis, en voyage, est quelque chose d’unique ! Ici tout le monde est adorable et on ne manque de rien ! Même pas de confiture maison au petit-déjeuner !

 

 

Bien bien bien, l’article commence à me sembler de bonne taille...

Il ne me reste plus qu'à parler d’une fabuleuse journée, qui a commencé par cinq heures de canyoning – trekking – descente de cascade, couronnée par un dîner concocté par notre hôte, et achevée après une soirée passée sur le toit de la guest-house à causer avec Laurie et Donald, un des deux couples, originaire de l’Oregon. Le sujet de la discussion étant nos expériences de voyage respectives, et de fait, l’humain. Tout cela en buvant un verre bien trop grand de Chivas Regal 18 ans d’âge, fougueusement servi par notre cher hôte.

 

La suite n’est pas encore déterminée, mais j’ai déjà le projet d’aller de Ho Chi Minh à Hanoï en moto. D’ici-là il faut que je m’exile du pays pour prolonger mon visa ; mon cœur me dira alors où aller.

 

Définitivement le meilleur hôtel que j'ai fréquenté depuis mon départ !
Définitivement le meilleur hôtel que j'ai fréquenté depuis mon départ !

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Commentaires: 4
  • #1

    Mum'in (mardi, 07 février 2017 22:37)

    Merci Pierre pour ce superbe article !
    J'ai presque l'impression d'y être ! ... Une belle façon de te suivre ;) !
    Bisous bien affectueux,

  • #2

    Marie (jeudi, 16 février 2017 13:36)

    Merci pour ces minutes de lecture qui se transforment en évasion :-)
    En plus tu as acheté une Honda (enfin presque), t'inscrivant dans la digne lignée de ta petite sœur.
    Du coup, tu vas continuer tout ton périple en moto ?

  • #3

    Gisèle (samedi, 18 février 2017 15:05)

    Bonjour ¨Pierre

  • #4

    gisèle (mardi, 21 février 2017 15:41)


    après mon mail de ce matin, nouvel essai pour te souhaiter un joyeux anniversaire. Heureusement que tu avais fais de la méditation avant d'acheter une moto!!!sinon l'issue du voyage me semblait bien compromis! Fais en sorte d'avoir des yeux tout le tour de la tête et des nerfs d'acier!